Le samedi 10 Juillet 2021, une deuxième conversation Girl Talk s’est déroulée au Bénin. La Maison IFE de Cotonou a accueilli l’événement avec la participation d’une trentaine de filles et jeunes femmes béninoises. L’espace s’est organisé autour du thème culture du consentement : apprendre à comprendre et aborder le consentement sexuel. Les objectifs en choisissant ce thème étaient d’apprendre sur les perceptions, les histoires et les vécus des filles et jeunes femmes béninoises sur le consentement sexuel et l’autonomie corporelle ; expliquer et faire comprendre le consentement sexuel et l’autonomie corporelle aux filles et jeunes femmes béninoises ; construire ensemble avec les participantes comment avec elles-mêmes et dans leurs relations aux autres elles peuvent normaliser le consentement sexuel et le droit de décider sur leurs corps, enfin élaborer avec elles comment prendre de l’espace, libérer la parole pour aborder le consentement sexuel pour des relations saines et positives. Dans cet article, nous revenons sur cette deuxième conversation.
La conversation a débuté par un exercice nommé : « d’accord ou pas d’accord ». Cet exercice a été initié et animé par Chanceline Mevowanou, Coordinatrice Girl Talk Afrique Francophone. « C’est un exercice qui consiste à ressortir les perceptions sur le consentement et l’autonomie corporelle. Des phrases sont données, les participantes en fonction de leurs avis à propos se déplacent pour rejoindre des espaces dédiés à chaque réponse : D’ACCORD, PAS D’ACCORD, NEUTRE, NUANCÉ…certaines d’entre elles sont choisies dans chaque espace de réponses pour expliquer leurs postures » a-t-elle expliqué.
Exercice « d’accord ou pas d’accord » avec les participantes pour comprendre les perceptions existantes sur le consentement sexuel
Dans le contexte béninois, certaines opinions stipulent que la réponse Non d’une fille à une activité sexuelle pourrait signifier Oui, qu’il faille insister voire forcer parfois pour que les filles acceptent de participer à des activités sexuelles. Nous avons posé la question aux participantes pour savoir ce qu’elles pensent de ces opinions au cours de l’exercice « d’accord ou pas d’accord ». Les avis étaient partagés en trois groupes. D’un côté, il y avait celles qui étaient « d’accord » car selon elles, une fille ne dit jamais Oui directement, elle essayait toujours de se faire désirer donc même quand elle dit Non à une activité sexuelle, cela pourrait cacher un Oui. D’un autre côté il y avait celles qui n’étaient « Pas d’accord ». Pour elles, un Non exprimé par une fille à toute activité sexuelle devrait rester non discutable car Non pour elles est une réponse claire, précise. Elles soutiennent que le fait de laisser une fenêtre à la remise en question du Non d’une fille encourage les violences sexuelles infligées aux filles. Pour finir, il y avait celles qui n’étaient ni « d’accord, ni pas d’accord » donc d’un avis neutre et nuancé. Pour elles, dans certaines communautés béninoises, des idées comme « une bonne fille ne cède pas vite » sont ancrées dans les croyances. Ces idées pourraient justifier les opinions selon lesquelles une fille ne dit pas Oui même si elle veut car elle pense qu’elle n’est pas une bonne fille si elle exprime ses désirs authentiquement. Cela pousse à remettre en cause le Non d’une fille.
D’autres questions ont également été posées aux participantes lors de cet participantes dont : est-ce qu’une autre personne pourrait interpréter les comportements d’une autre et en déduire que ce serait un consentement sexuel ou pas ? Est-ce qu’un consentement est possible lorsqu’une personne devant participer à l’activité sexuelle serait sous l’effet d’alcool ? À toutes ces questions, les avis étaient partagés à chaque fois. Des discussions, nous avons compris deux choses : au niveau des filles elles-mêmes, le consentement sexuel n’est pas compris, normalisé ni opérationnel. Ensuite, nous avons cerné que dans leurs rapports avec les autres, les filles n’arrivent pas à prendre d’espace, discuter librement du consentement sexuel, donner leurs opinions et ne savent même pas qu’elles ont le pouvoir sur leurs corps. Pour les raisons énumérées par les filles, nous notons premièrement l’éducation. La façon dont les filles et les garçons ont été éduqués selon les participantes reste problématique. En famille comme à l’école, des sujets comme le consentement sexuel ne sont pas profondément abordés, parler de la sexualité étant déjà un tabou. Dans cette éducation, un accent particulier a été mis sur celle des filles, sur la façon dont cette éducation pour les filles reste une fabrique d’inégalités. Certaines filles savent que ce n’est pas normal qu’elles n’aient pas de libre arbitre sur leurs corps mais il se trouve que leurs paroles sont banalisées car elles sont des filles. Les expériences partagées lors de ce Girl Talk en témoignent.
Expériences et vécus des filles et jeunes femmes au bénin concernant le consentement sexuel
Cette partie de la conversation a été lourde. Les participantes ont partagé leurs vécus. Les conversations Girl Talk nous permettent d’en apprendre plus sur les conditions des filles et femmes dans les communautés, c’est ce qui s’est passé. Extraits des divers témoignages partagés :
« Mon premier rapport sexuel s’est passé sans mon consentement. J’étais allée chez mon petit ami. Dans la relation, je lui avais clairement dit que je n’étais prête pour aucune activité sexuelle. Pourtant ce jour-là, il m’a forcé malgré tout mon refus. J’étais en larmes durant tout l’acte lui répétant que je ne voudrais pas pourtant il a continué. Et moi je ne me suis pas débattue. Je m’en veux aujourd’hui encore puisque je me dis que quelque part que c’est ma faute, car je n’aurais pas dû lui rendre visite ce jour…larmes »
« Je me suis retrouvée à passer des moments en famille avec des cousins à moi. L’un d’entre eux m’a forcé à une activité sexuelle… »
« Un membre de ma famille m’a infligé des attouchements et jusqu’à aujourd’hui, je n’ai pas osé en parler à ma famille… »
« Nous avons hébergé un de nos cousins pour des raisons académiques. Un soir, il a suggéré de venir rester dans ma chambre pour suivre un film ensemble…il s’est permis des attouchements sur moi et je lui ai dit que je ne voulais pas. Il a continué, a insisté jusqu’à me forcer à une activité sexuelle…j’étais en larmes le suppliant de me laisser…larmes »
Les filles et jeunes femmes ne se sentent pas en sécurité, vivent en se ressentant comme des proies, subissent des abus, la culture du consentement reste problématique à cause de l’absence d’une éducation sexuelle et les filles n’arrivent toujours pas à exprimer ce qu’elles ressentent. Beaucoup d’histoires narrées soulignent plusieurs situations vécues par les filles et femmes béninoises : celles dans lesquelles elles n’ont pas pu verbaliser leurs ressentis laissant ainsi les hommes deviner leurs propres réponses à leurs places, celles dans lesquelles les filles ont été forcées à subir des activités sexuelles malgré un NON clairement exprimé, celles dans lesquelles une discussion pour clarifier le consentement fut particulièrement inconfortable. Nous avons également écouté des histoires des filles qui adressent une critique aux familles béninoises indexant la culture du silence, comment les communautés choisissent de protéger les personnes qui abusent les filles, contraignent les filles au silence et leurs choix de ne pas toujours défier l’inconfort des dialogues sur des questions comme le consentement sexuel. Nous avons noté le défi d’une éducation à l’autonomie, au respect mutuel et des limites des autres, à l’expression libre, la déconstruction de la culture du silence, l’évolution du statut des filles et femmes qui ne jouissent pas encore du respect et de la dignité pourtant universels et inaliénables reconnus aux êtres humains.
Comment apprendre, comprendre et aborder le consentement sexuel ?
Nous étions toutes d’accord sur le fait que les choses doivent changer. Parce que les filles et les jeunes femmes méritent des vies dignes, sans être victimes ni survivantes de violences. Leurs voix devraient être respectées ainsi qu’elles devraient être en mesure de la porter. Nous voulons parvenir à une culture du consentement. Comment apprendre, comprendre et aborder le consentement sexuel ? C’est la question ayant meublé la 3e et dernière partie de la conversation. Une présentation a été faite par Chanceline Mevowanou autour de la question.
Elle a expliqué : consentir c’est : accepter, autoriser… le consentement sexuel désigne l’accord que les personnes se donnent mutuellement pour qu’une activité sexuelle ait lieu entre elles. L’autonomie corporelle consiste à avoir le droit de prendre ses propres décisions pour son corps et son avenir. Il s’agit d’avoir l’autonomie nécessaire pour faire des choix éclairés, un environnement qui respecte ses choix, normalise le pouvoir sur soi. Nous avons ensemble discuté sur la première étape qui pour les filles et jeunes serait d’apprendre le consentement et l’autonomie corporelle, les normaliser pour elles-mêmes. La 2e étape, briser le silence et initier des conversations à ce sujet. Il s’agira de prendre de l’espace pour s’exprimer, verbaliser ses ressentis et exiger que cela soit respecté. La 3e étape, les actions que nous pouvons mener ensemble : des campagnes de sensibilisations des filles et des garçons sur le consentement sexuel, pour déconstruire la culture du silence, des plaidoyers pour l’éducation sexuelle dans les familles et à l’école…
À la fin de cette conversation, il était clair pour les participantes que le consentement sexuel devrait être libre, clair et réel, exprimé, spécifique, volontaire et éclairé, continu et révocable. La conversation s’est passée dans un climat sûr. Nous avons démarré en expliquant aux participantes les fondamentaux que défendent Choose Yourself dans son travail que sont l’égalité, l’équité et l’inclusion. Aussi, nous avons rappelé aux participantes le climat dans lequel les Girl Talk se passent : nous nous efforçons de construire des espaces sûrs où les filles et les femmes se sentent à l’aise pour s’exprimer, nos espaces ne tolèrent pas de jugements ni de discriminations fondées sur quoi que ce soit.
Jusqu’au prochain Girl Talk,
Sentez-vous bien,
Océane Carine Danhouan
Coordinatrice du GT Benin
Chancelline Mevowanou
Coordinatrice du GT Afrique Francophone